argumentaire

Formes de vie et modes d’existence ‘durables’

Nouvelles contraintes, narrations et axiologies du vivre

Centre Saint-Amarand, Albi 6-9 juillet 2015

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Le XXXVIe colloque d’Albi sera consacré à l’étude des différentes dimensions contractuelles et conflictuelles induites par l’impératif contemporain des formes de vie « durables ». 

Une attention particulière sera accordée aux narrations et aux discours légitimants, ainsi qu’aux pratiques, aux objets et aux valeurs qui s’imposent à travers cette forme de vie émergente. Approchant le « durable » comme une valeur transversale aux cultures, la démarche que nous souhaitons mettre en évidence maintiendra, face à l’idéologie que le terme induit, la distance analytique et critique propre à la sémiotique.

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Colloque 2015

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Articulation de la problématique 

Naguère décrit et vécu comme un univers hostile à vaincre et à conquérir, l’environnement est devenu un milieu qu’il faut au contraire protéger de l’agressivité humaine. Cette inversion de rôles, caractéristique des discours contemporains qui plaident en sa faveur, conduit à des révisions parfois radicales dans le champ éthique (la nature comme sujet de considération morale, par exemple) et oriente les comportements sociaux vers des pratiques de prévention et de défense de la vie collective comme de l’environnement. La diffusion d’une telle attitude détermine l’homogénéisation des pratiques, au détriment peut-être de la variation des formes de vie propre à la diversité culturelle.

Nous sommes en effet de toutes parts sommés d’agir de manière « durable » : il nous faut être socialement et culturellement responsables, cultiver la transparence totale et la disponibilité de l’information, respecter en toute décision le principe de précaution, veiller à être toujours suffisamment compétitifs pour soutenir le bien-être collectif tout en ayant le souci permanent de la planète et des générations futures. Cette pression s’exerce par la médiation des discours politiques, sociaux et juridiques ainsi que par les réorientations des styles de vie qu’impliquent les production, consommation et recyclage des objets, sans oublier les pratiques de surveillance et de contrôle des individus et de la planète (axe 1).

Légitimés ainsi par les discours prévisionnels du risque et de la prévention des catastrophes, les comportements sociaux qui en résultent visent à faire de la durabilité une véritable valeur transculturelle. En tant qu’elle dirige en amont le projet des pratiques, la durabilité peut alors être considérée comme une valeur en mesure de réglementer l’organisation des espaces dans les villes, de la nouvelle mobilité et des déplacements collectifs, des modes de production, de consommation et de contrôle (axe 2). 

Pourtant, la durabilité n’échappe pas à la contradiction : le principe de précaution se heurte à la pression en faveur de la compétitivité et de l’innovation technologique ; la compétitivité implique des secrets qui s’opposent au diktat de la transparence ; le discours de la prévention et de la surveillance se confronte à son tour aux droits de la sphère privée du citoyen et le souci de la planète s’exerce parfois au détriment de la responsabilité sociale à l’égard des populations  (axe 3).

Une recherche sur la durabilité comme proposition de formes de vie pose par ailleurs la question du dépassement d’une sémiotique de la culture par l’institution d’un actant collectif qui somme les individus et les nations d’agir dans une dynamique globale. Pour avoir un sens, un tel projet doit dépasser la limite des cultures pour atteindre une échelle mondiale. Cette forme de vie nous invite à partager des configurations modales, énonciatives et passionnelles, des systèmes de valeurs et des hiérarchies sémantiques ainsi que des stratégies visant la participation à l’espace intégré de la sémiosphère (les réseaux, les satellites, les systèmes de communication) et à celui coordonné et englobant de la biosphère et de l’environnement-planète (axe 4).

Les concepts de forme de vie et de mode d’existence, développés par la sémiotique au cours des dernières décennies, peuvent contribuer à décrire cette transformation ainsi qu’à mettre en évidence les tensions qu’elle génère. La méthode sera comparative dans l’espace ou dans le temps, puisque les formes de vie et les modes d’existence ne se manifestent qu’en se confrontant les unes aux autres dans la synchronie géographique ou dans la profondeur diachronique. Elle sera également – voire inévitablement – critique, renouant ainsi avec le rôle de démythification et la posture de distanciation intellectuelle qui a été celle de la démarche sémiotique en ses débuts, au milieu du siècle précédent (axe 5). 

La problématique ici proposée éclairera enfin, à travers une réflexion consacrée au statut des formations institutionnelles, le projet de fonder, au terme du colloque, une Fédération Romane de sémiotique. L’empan des travaux appelés par ce texte d’orientation étant susceptible d’apporter à la fédération des propositions programmatiques pour les recherches transversales qu’elle aura vocation à susciter. #

 


 

Références bibliographiques 

Afeissa, Hicham-Stéphane, éd.
– 2007 Ethique de l’environnement. Nature, valeur, respect, Paris : Vrin.

Beck, Ulrich
– 2000 What is Globalization ?, Malden : Polity Press.

Beayaert-Geslin, Anne
– 2012 Sémiotique du design, Paris : Presses Universitaires de France.

Blanchot, Maurice
– 1971 « L’Apocalypse déçoit », dans L’Amitié, Paris : Gallimard.

Boia, Lucien
– 1989 La fin du monde. Une histoire sans fin, Paris : La Découverte.

Buell, Frederik
– 2003 From Apocalypse to Way of Life : Environmental Crisis in the American Century, Londres : Routlegdde.

Dauphiné, André,
– 2001 Risque et catastrophes. Observer, spatialiser, comprendre, gérer, Paris : Armand Colin.

Deléage, Jean-Paul
– 1991 Histoire de l’écologie : une science de l’homme et de la nature, Paris : La Découverte.

Deni, Michela et Proni, Gianpaolo,
– 2008 La semiotica del progetto, Milan : Franco Angeli.

Descola, Philippe
– 2005 Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines ».

– 2011 L’écologie des autres. L’anthropologie et la question de la nature, Paris : Éditions Quae.

Dupuis, Jean-Pierre
– 2002 Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Paris : Seuil.

Fontanille, Jacques
– 2008 Pratiques sémiotiques, Paris : Presses Universitaires de France.

Fontanille, Jacques et Zinna, Alessandro (dir.)
– 2005 Les objets au quotidien, Limoges : Pulim.

Fœssel, Michaël
– 2012 Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique, Paris : Seuil.

Fourçans, André
– 2002 Effet de serre, le gros mensonge ?, Paris : Seuil.

Greimas, Algirdas-Julien
– 1970 « Conditions d’une une sémiotique du monde naturel », dans Du Sens, Paris : Seuil.

Lamizet, Bernard
– 2006 Sémiotique de l’événement, Paris : Lavoisier.

Landowski, Eric
– 2003 Passions sans nom, Paris : Presses Universitaires de France.

Latour, Bruno
– 2012 Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes, Paris : La Découverte.

– 2014 « L’Anthropocène et la destruction de l’image du globe », tr. fr. F. Lemonde, dans E. Hache (dir.), De l’univers clos au monde infini, Paris : Dehors, p. 29-56.

Lussault, Michel
– 2013  L’avènement du monde. Essai sur l’habitation humaine de la Terre, Paris : Seuil.

Nancy, Jean-Luc
– 2012 L’équivalence des catastrophes (Après Fukushima), Paris : Galilée.

Rifkin, Jeremy
– 2014 La nouvelle société coût marginal zéro : L’internet des objets, L’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme, Les liens qui libèrent, Paris.

 

 

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Axes de recherche


Axe 1.
Les discours et les pratiques « durables »

• Les discours artistiques, littéraires, médiatiques, politiques et juridiques

• Les nouvelles contraintes liées aux modes de produire, consommer et recycler

• La quête des obstants : la pollution de la terre, du ciel, de l’espace, la pénurie de l’eau…

 

Axe 2.
Vivre selon la valeur « durable »

• Les axiologies du « durable »

• Le design des services, des objets et de la communication

• Les actions et les passions du « durable ».

 

Axe 3.
Narrations, argumentations et figurations du « durable » : paraboles et catastrophes 

• La légitimation par les conséquences du « non-durable »

• Les figures et les récits de la catastrophe (réchauffement, trou de l’ozone, désertification…)

• Surveiller et prévenir : pratique du contrôle et discours de la prévention.


Axe 4.
Les formes de vie utopiques : la vie autrement et ailleurs

• Utopies de la vie durable.

• Vivre avant, vivre après, vivre autrement.

• Impression 3D et conséquences « durables ».

 

Axe 5.
La comparaison des formes de vie et la critique

• Histoire et éthologie des formes de vie.

• Modes d’intégration culturelle de la « durabilité »

• Pour une critique de l’idéologie « durable ».


 

Domaines de recherche sollicités

Analyse du discours
Analyse de l’argumentation
Anthropologie
Architecture
Biologie
Design d’objets et de services
Éthologie
Géographie
Histoire
Information et communication
Sociologie des pratiques
Sémiotique du discours
Sémiotique des pratiques, du design et des objets
Sémiotique du projet
Sémiotique des formes de vie


 

Champs d’application

Études de discours (textes sociologiques, médiatiques, politiques et juridiques)

Études d’objets et de services (cas de projets durables)

Études de pratiques (de surveillance, etc.)

Études des formations sémiotiques

Études de styles et formes de vie

Études des organisation et des formations institutionnelles.