J. Fontanille

La parabole comme utopie douce.
Hommage à P. Fabbri

Résumé

La session 2016 du colloque d’Albi est consacrée aux utopies durables, et en même temps globalement dédiée à un hommage à Paolo Fabbri. Il semble souhaitable, dans cette perspective, que quelques contributions, au moins celle-ci, soient consacrées à l’œuvre de Fabbri, et autant que possible en empathie intellectuelle et stylistique, pour que l’hommage ne soit pas seulement une dédicace.

Paolo Fabbri s’exprime très souvent, au moins une fois dans chaque conférence et dans chaque article, parfois même dès le titre, sous forme de paraboles, ou de métaphores qui fonctionnent comme des paraboles condensées. Pour comprendre la signification d’un procédé aussi fortement récurrent et assumé, il nous faut d’abord examiner la parabole en général, non seulement comme figure rhétorique, mais surtout comme tactique au sein même des situations, pratiques et stratégiques, où elle intervient : elle apparaît alors comme une tactique de contournement et d’ajustement à une situation polémique où il convient d’éviter l’affrontement direct avec l’adversaire sur son propre terrain discursif, et, finalement, elle permet d’opposer à la doxa de l’autre, en douceur et en potentiel, une ébauche d’utopie, une alternative littéralement renversante.

Mais l’usage récurrent de « la parabole comme utopie douce » est plus profondément motivé, y compris chez Paolo Fabbri, et notamment dans Elogio di Babele et Svola semiotica, par la préoccupante résistance d’une contradiction apparemment insoluble, dans les circonstances historiques d’un moment du développement de la pensée. Entre la sémiotique interprétative italienne et la sémiotique narrative française, entre l’inférence cognitive et la transformation narrative, entre Eco et Greimas, le fossé semble provisoirement infranchissable : la parabole, en tant que « récit qui argumente figurativement » offre alors l’espoir et l’horizon d’un dépassement utopique de cette contradiction.