Cultures et valeur :
La transmission des discours,
des objets et des pratiques
La problématique choisie pour le XXXVe colloque d’Albi Langages et signification s’inscrit dans le cadre d’un projet pluridisciplinaire de développement des Sciences de la Culture. Les cultures et les valeurs étant les deux sphères supérieures où s’exerce la pratique de la comparaison, la manifestation voudrait contribuer à la fédération des Sciences Humaines et Sociales situant l’approche sémio-linguistique dans un rôle d’interface.
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Pour une articulation de la
problématique des cultures
À l’ère de la mondialisation on interroge les rapports entre cultures d’une part par leurs diversités, d’autre part à travers le rôle que jouent les valeurs dans un tel scénario d’homogénéisation.
On rencontrera inévitablement, en relation avec la notion de « culture », d’autres notions qui aident à la délimiter ou qui participent à la définir : « nature », « identité/altérité », « civilisation/barbarie », « particulier/général ». Mais il s’agira surtout (i) d’articuler cette notion avec celle de « valeur » dans son contraste avec la notion d’ « événement » ; (ii) de comprendre le fonctionnement culturel en tant que transmission – terme qui méritera une définition plus précise, en commençant par le distinguer de celui de communication (car il y a des transmissions par diffusion ou par mimesis) ; (iii) d’ouvrir ainsi la voie à un riche examen comparatiste : d’une part entre pratiques proches, mais appartenant à des cultures différentes, de l’autre entre pratiques éloignées qui cohabitent dans une même culture (les soi-disant subcultures) ; enfin, (iv) entre genres et générations en tant que communautés ciblées par des valeurs transversales aux cultures, visant l’homogénéisation par genres sexuels et âges de la vie.
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La transmission :
entre oubli et mémoire
La problématique de la transmission de l’héritage culturel se présente d’abord comme une constante cyclique du passage des connaissances et des valeurs entre générations qui se succèdent dans le temps ou entre cultures distribuées sur un territoire. Il s’agit d’approcher la circulation de discours, objets et pratiques selon les échanges internes à une culture, ainsi que par leur circulation externe entre cultures.
Selon une première hypothèse formulée par Lotman et Ouspensky, la voie culturelle s’opposerait d’abord à la voie naturelle de la transmission : une des particularités de l’espèce humaine étant de faire circuler par la voie culturelle tout ce qui n’arrive pas à être transmis par voie génétique et donc, en définitive, par la nature. Cet héritage concerne avant tout le transfert de connaissances par des procédures de mémorisation : le transfert d’information orale par des techniques de mémorisation et répétition ; le transfert d’information écrite par des techniques d’inscription et lecture ; et actuellement, le transfert d’information numérique par des techniques d’enregistrement, reproduction et manipulation audiovisuelle.
Dans la sémiotique des cultures, proposée par Lotman et Ouspensky, le moyen et le véhicule de cette transmission est le texte en tant que principe d’organisation et de sélection de l’information. La transmission limitée au savoir écrit semble pourtant constituer une des limites d’une telle sémiotique. Élargissant la transmission, à la circulation des discours oraux, aux objets et aux pratiques, la sémiotique des cultures se donne d’autres moyens de comparaison. D’ailleurs, la participation de ces trois composantes à un même domaine de connaissance donne naissance à l’articulation des cultures par formations discursives et sémiotiques, ce qui permet de les comparer par champs et pratiques de savoir, tels que la religion, les pratiques de guérison, l’astronomie ou la physique. Les éléments écartés par l’économie des champs vont faire partie, tôt ou tard, de ce répertoire de discours, d’objets ou des pratiques oubliés par la culture. En revanche, tout ce qui est réputé nécessaire à sa survivance, à son bien-être, voire à son équilibre symbolique, fait l’objet d’enseignement en tant que pratique de transmission au sens large.
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L’anthropologie a d’ailleurs bien saisi la distinction entre les cultures orales et écrites par les différentes pratiques de transmission. À cette distinction, selon la présence ou l’absence de l’écriture, il faut ajouter les cultures qui pratiquent la transmission par la voie électronique et, par conséquent, selon les multiples pratiques numériques qui en découlent. Des mutations remarquables, à plusieurs niveaux, touchent tous les aspects impliqués par l’héritage et l’archivage : un passage qui met en cause le quoi et le comment conserver, produire, reproduire et transmettre.
Grâce à l’Internet, on possède une documentation minutieuse des pratiques collectives à partir des enregistrements par les blogs, forums et réseaux sociaux. Cette puissance à documenter le niveau micro des échanges marque un point de non-retour dans l’archivage car on supprime le critère de sélection introduit auparavant par les différentes formes de l’oubli. Condamnées à ne pas oublier, les cultures électroniques semblent renoncer à l’opération de sélection qui est pourtant constitutive des textes comme des valeurs à transmettre. Quelles conséquences à partir d’un modèle de l’héritage culturel qui semble réfractaire à l’ars oblivionalis évoqué par Eco ? #
Domaines de recherche sollicités
– Analyse du discours et argumentation
– Anthropologie culturelle
– Archivage
– Apprentissage en réseau
– Cultures et valeurs
– Cultural Studies
– Documentation
– Linguistique
– Philosophie
– Sémantique
– Sémiotique des cultures
– Sémiotique des pratiques
– Sémiotique des objets
– Sociologie et anthropologie
– Sociologie des pratiques
– Théories des Médias