Le corpus des œuvres du peintre Francis Bacon est devenu, depuis quelques années, un terrain de travail privilégié pour mes réflexions sur l’archéologie de l’image. Par cette méthode, j’essaie de reconstruire les dérivations sous-tendues à la réalisation du texte ou de l’image d’arrivée.
Si une telle méthode a été mise à l’épreuve sur la peinture de Francis Bacon c’est parce que sa production à l’huile, même quand elle à l’aire de refaire le tableau d’un autre peintre, est très riche en sources. Par cette même méthode, nous avons comparé auparavant l’Innocent X de Velasquez à deux papes de Bacon dérivés par ce portrait. Les nombreuses reproductions de l’original, retrouvées dans son atelier, ont confirmé que, derrière l’apparente réénonciation, ces portraits proviennent des illustrations photographiques des catalogues d’art. En définitive, même quand ses peintures semblent issues d’autres peintures, l’opération de refaire une image revient pour Bacon à la dériver par la photographie.
Un cas tout à fait semblable à celui du pape de Velasquez est la série exécutée à partir du tableau Le peintre sur la route de Tarascon (1888) de Vincent Van Gogh. À confirmer l’origine photographique de la série sont cette fois-ci les circonstances historiques puisque, lors d’exécuter les six tableaux, l’original avait déjà disparu détruit à la fin de la seconde guerre mondiale. Ce qui, au passage, élimine toute transcendance de l’original par la médiation de l’image photographique. La généalogie de la série inspiré par Le peintre sur la route de Tarascon, si d’une part permet de reconstruire les interférences avec d’autres images, elle permet surtout de saisir un schéma commun aux séries dérivées par les deux portraits de Velasquez et Van Gogh: ce qui montre que l’Innocent X n’est qu’une occurrence particulière d’une obsession plus profonde poursuivie dans la série inspirée par Le peintre sur la route de Tarascon.